Les salariés et les syndicats : un dossier de José Tarantini, DSC de la CFE-CGC

Nous poursuivons notre saga des sujets qui intéressent les salariés de la Manufacture.

Dans cet article, nous abordons les relations et la communication entre les syndicats et les salariés.

Le contexte de crises ambiant semble permettre aux syndicats de redorer leur blason ; mais en apparence seulement. C’est désolant car le syndicat a un vrai rôle -renouvelé- à jouer.

Quant à la communication, malgré de bonnes intentions, la réalité des choses ne permet pas aux représentants du personnel de communiquer de manière fluide, directe et continue avec les salariés. Il faut que ceux-ci aillent au-devant de l’information, acceptent de faire l’effort d’aller la chercher ou de la recevoir. Pourtant, avec les changements sociétaux, il serait urgent de faciliter la communication entre syndicats et salariés, tout en l’encadrant comme il se doit.

Pour y parvenir, il-y-a encore du chemin à parcourir chez Michelin.

La balle n’est pas que dans le camp de l’employeur…

Les syndicats ont aussi une responsabilité à exercer, et un rôle à démontrer.

Replaçons tout d’abord les choses dans leur contexte : quel rôle et quelle place pour les syndicats dans la société et dans la vie de l’entreprise ? Quels freins faut-il surmonter pour que les choses évoluent et s’améliorent ? Et quelles sont les réelles attentes des salariés (« on ne peut pas faire boire un âne qui n’a pas soif »). Enfin, nous verrons les propositions concrètes que la CFE CGC peut apporter en matière de relations sociales et de communication avec les salariés.

  1. La réforme des retraites permet l’expression d’un ras-le bol social

La réforme des retraites dope les adhésions aux syndicats (Le Point, le 03/02/2023). Depuis janvier 2023 et le début des mobilisations contre le projet de réforme, un nombre record de Français a décidé de rejoindre un syndicat. Unanimement opposés au projet de réforme des retraites du gouvernement, les syndicats gagnent de nombreux adhérents en ce début d’année 2023.

Les syndicats n’avaient plus très bonne presse en France, ces dernières années : avec 10 % des salariés encartés, ils fédéraient deux fois moins de monde qu’il y a cinquante ans.

Au-delà du taux d’adhésion aux syndicats, c’est la vision qu’en ont les salariés qui s’est lentement mais sûrement dégradée. C’est assez curieux ; globalement, la majorité des salariés ont cette vision d’organisations tantôt violentes, tantôt impuissantes, tantôt inutiles car roulant pour elles-mêmes.

Mais la résistance au projet de réforme des retraites est en train de leur donner un nouveau souffle. Depuis janvier, les principaux syndicats français ont tous vu leur nombre de nouvelles adhésions décoller. Signe que les manifestations leur offrent une vitrine efficace.

« Ce sont souvent des salariés isolés qui font le choix d’adhérer à une organisation syndicale parce qu’il y a un mouvement important sur les retraites ». Ces nouveaux syndiqués sont majoritairement issus du privé.

Ce n’est pas nouveau, les périodes de lutte sociale sont en général favorables aux syndicats : « Quand il y a des conflits, que ce soit à l’échelle d’une entreprise ou à une échelle plus large, ça peut amener des vagues d’adhésions ».

Nous le constatons également au sein de notre section syndicale CFE CGC Michelin ; c’est un signe que le « rêve » n’a pas encore séduit tout le monde… « Si cela peut faire revivre le syndicalisme, tant mieux » ; car, en effet, la société et les entreprises ont vraiment besoin de bons représentants des citoyens et des salariés. Réhabiliter la politique et le syndicalisme… séparément !

Ce n’est pas gagné !

Les syndicats profitent-ils de la mobilisation contre la réforme des retraites ? (Le Point, le 31/01/2023). Selon un récent sondage, si le soutien à la manifestation contre le projet de réforme est massif, les syndicats ont une image dégradée. À peine un tiers des Français disent avoir confiance dans leurs syndicats, en plein combat contre la réforme des retraites… Plus surprenant, les syndicats semblent avoir perdu la confiance des ouvriers (61 % de défiance, dans la moyenne).

Le télétravail gagne du terrain (33 % des salariés en 2022, selon l’enquête JPG menée par l’institut Inkidata). « Plus le télétravail est permanent, moins il y a de contacts entre les salariés et les représentants du personnel ou les syndicats, contacts qui sont habituellement des facteurs de bonne opinion. Il n’y a plus l’occasion de discuter à la machine à café, les réunions du personnel sont à distance et donc moins suivies, etc. » (Tristan Haute, enseignant chercheur à l’université de Lille en sciences politiques, et spécialiste des relations professionnelles, pour Le Point, le 18/01/2023). « Le télétravail a aussi une influence sur la participation aux grèves : plus il est possible et répandu dans l’entreprise, plus les salariés vont faire le choix d’y recourir plutôt que de faire grève »

SNCF, RATP… La grève, est-ce que ça marche ? (Le Point, le 23/12/2022). Faire grève, est-ce bien utile ? « Beaucoup de grèves visent simplement à l’ouverture des négociations », note Jérôme Pélisse, professeur en sociologie et chercheur au CSO (Centre de sociologie des organisations) de Sciences Po Paris. En revanche, si ces négociations s’ouvrent, il n’y a aucune obligation légale à accorder quoi que ce soit aux salariés à leur terme. Une bonne partie des grèves a donc lieu avant les négociations pour les déclencher ou pendant pour peser sur leur résultat. « C’est notre seul recours si on veut mettre tout le monde autour de la table » ; la direction ou l’État « attendent de voir quel est le rapport de force, et s’il leur est défavorable seulement, ils se mettent à faire des propositions ». Les grèves seraient nécessaires pour « montrer les muscles » avant les négociations et arriver en position de force. Une mobilisation déclarée avant ou pendant les négociations est la variable qui a le plus fort effet sur le fait que la décision de la direction change.

Les salaires ne constituent pas non plus la seule des revendications. Il faut aussi compter les protestations visant à l’amélioration des conditions de travail. Lors des négociations, et des grèves s’il y en a, les syndicats sont des interlocuteurs de choix pour la direction : le délégué syndical permet d’agglomérer les revendications des salariés pour les formuler en une demande lisible et potentiellement acceptable. En effet, « tout le monde veut être mieux payé », alors que les questions de temps, d’organisation ou de conditions de travail ouvrent sur des intérêts qui peuvent être différents, voire contradictoires entre les salariés.

La situation se complique lorsque la mobilisation naît en dehors des syndicats. « C’est ça le vrai danger à venir, et tant pour les syndicats que pour la direction ». Les syndicats font en fait face à une réduction de leur influence, aussi bien auprès du gouvernement qu’auprès des salariés. « La syndicalisation des salariés, qu’on estimait souvent autour de 8 % dans les années 2000 (dont 4 % dans le privé), a été réévaluée plutôt autour de 11 % (dont 8 % dans le privé), elle a d’ailleurs légèrement augmenté au moment des 35 heures (1998-2000). Mais depuis la fin des années 2010, elle repart à la baisse, s’accompagnant d’un recul des grèves ou de la participation aux élections ». Si les revendications restent donc, voire repartent avec l’inflation et ses dégâts sur les salaires, les syndicats ne parviennent pas à beaucoup plus fédérer, et donc à faire valoir ces demandes de manière unifiée auprès des directions.

A l’instar de ce qui se passe au plan national où les gouvernants favorisent les débats publics au détriment des consultations démocratiques prévues dans les institutions (Parlement), les décisions dans les entreprises sont souvent perçues comme manquant de sens ou prises en passage en force (comme ce fut le cas pour les frais professionnels chez Michelin France en 2022).

Les gens ont alors le sentiment de ne pas être bien représentés ; ils se prennent en charge directement et débraient spontanément dans les ateliers ou sortent dans la rue. Des gilets jaunes aux agents des services publics (personnel de santé, de l’enseignement, de la justice, etc.), en passant par les travailleurs des plates-formes, de nouvelles mobilisations ont émergé ces dernières années, revendiquant des revalorisations salariales et de meilleures conditions de travail. Aux Etats-Unis, le président Joe Biden a incité les salariés à participer aux élections professionnelles et répondu « payez-les plus » aux patrons qui se plaignent d’avoir des difficultés à recruter. L’idée de rééquilibrer le rapport de force entre les employeurs et les travailleurs revient petit à petit au goût du jour, mais elle n’est pas encore une réalité.

Les ordonnances Macron ont visé à ramener le dialogue social au plus près du terrain ; 55000 accords d’entreprise signés en 2016 ; 80000 signés en 2019 … ça a l’air de fonctionner et c’est le rôle et l’enjeu majeurs du syndicat ; pour cela il faut des interlocuteurs valables et une communication efficiente.

Le postulat de base repose sur le fait que la seule communication de l’employeur ne suffit pas pour informer les salariés. Ceux-ci demandent de plus en plus une « contre-expertise », une sorte de décodage pour mieux comprendre et accepter les dires et les écrits de l’employeur. C’est un triste constat mais reconnaissons qu’il n’est pas le seul fait de Michelin. La même chose se passe avec les citoyens vis-à-vis de leurs gouvernants. Cette méfiance généralisée, attisée par une communication omniprésente des réseaux sociaux, alimentent une soif d’en savoir plus, de vouloir confirmer, d’avoir l’« envers du décor » et de savoir ce qu’on achète et ce pour quoi on paie. Les gens veulent du sens et connaitre le « pourquoi » des choses qu’on leur impose parfois insidieusement ou tout à fait volontairement. Il faut s’adapter et redoubler d’efforts pour parler aux bonnes cibles, au bon moment, de bonne manière i.e. via le media le mieux adapté.

Bon nombre d’entreprises ont déjà franchi le pas en autorisant les représentants du personnel à utiliser les technologies modernes en place dans l’entreprise pour communiquer avec les salariés. Même si la distribution de tracts aux portes des sites reste une pratique utile communément répandue, cela ne peut rester le seul moyen de contacter des salariés moins présents sur leur lieu de travail ; sans parler de ceux qui ne veulent plus de papier !

Le recours à la messagerie d’entreprise doit être organisé avec des règles claires (quantité d’informations diffusées, avec quelle périodicité ; laisser le choix au salarié de se désabonner ; …) et une discipline acceptée par les organisations syndicales (code éthique, auto modération, …).

On dit souvent qu’on a les syndicats que l’on mérite. L’employeur a un vrai rôle à jouer pour améliorer la place et la perception des syndicats dans l’entreprise. Le vrai dialogue social est celui qui s’établit en bonne intelligence entre les différentes parties prenantes, au-delà des discours d’intention, avec des actions cohérentes et concrètes. Les représentants du personnel doivent pouvoir aller à la rencontre des salariés, physiquement et virtuellement, pour les écouter et leur apporter les informations dont ils ont besoin.

En cette année d’élections professionnelles, la CFE CGC Michelin propose de renégocier l’accord de « nouvelle dynamique de dialogue social ». Signé en octobre 2018, l’accord en vigueur est largement dépassé et beaucoup d’améliorations auraient déjà pu être apportées si l’employeur avait manifesté plus de bonne volonté. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, et la CFE CGC Michelin, comme à son habitude, sera force de propositions pour continuer à :

Pour aller plus loin

2 réponses à “Les salariés et les syndicats : un dossier de José Tarantini, DSC de la CFE-CGC”

  1. Pascal dit :

    Bonjour
    C’est assez rare d’avoir ce type d’articles qui ne soit pas un copié-collé d’un article national
    C’est bien de voir que nos représentants du personnel peuvent traiter de sujet de fond… et avoir la capacité à négocier non pas dans un intérêt electoraliste mais dans celui des salariés

  2. Alex dit :

    Bonjour un dossier de fond très intéressant qui montre encore plus l’importance de voter pour une organisation engagée qui défend les salariés de façon constructive et en négociant réellement

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