#noussommesLaRoche/Yon

Début mai, les élus de Clermont ont estimé la consultation sur le licenciement des salariés protégés de La Roche / Yon injustifiée et ils ont refusé de donner un avis.

L’entreprise a reconvoqué l’instance avec le même ordre du jour pour les 1 et 2 juin 2022, ainsi que les salariés concernés, qui ont préparé des interventions orales pour relater leur situation. La veille du CSE à 14h, alors qu’ils s’apprêtaient à prendre la route, que les sacs étaient prêts, nos collègues de La Roche / Yon ont reçu l’ordre de ne plus venir, le CSE leur étant présenté comme « annulé ».

Les élus peuvent s’adapter mais comment nos collègues ont-ils vécu cette situation ?

Les réactions ont été fortes, ravivant la douleur de deux années dans l’incertitude et y ajoutant l’impression d’être méprisé. Ils ont été mis devant le fait accompli, au dernier moment, d’un licenciement qui peut survenir dans l’heure.

La CFE-CGC a demandé à l’entreprise de les recevoir, de clarifier avec eux le calendrier de poursuite de la procédure et de les entendre. Ces 25 personnes subissent des errements de procédure depuis deux ans : nous avons aussi demandé qu’une réparation leur soit proposée.

Enfin, en tant que représentants de nos collègues qui ont été soudainement privé de l’instance pour s’exprimer, nous vous rapportons un témoignage fort, #noussommeslaroche/yon. Lisez-le entièrement, tout y est.

Mon parcours :  rentré chez Michelin en 2007 en tant que vérificateur à la Combaude, au rechapage. En janvier 2010, j’évolue et durant les mois qui ont suivi, j’ai obtenu le statut de collaborateur. Début 2013, le poste de manager transverse m’est proposé, toujours sur le site de la Combaude. Vous connaissez la suite ; un PSE est décidé par l’entreprise sur la partie rechapage de la Combaude. Durant ce PSE, le poste de responsable d’îlot m’est proposé sur l’îlot des emplâtres et de la préparation, activités qui mettront plus de temps à fermer que le reste du bâtiment. J’insiste volontairement sur le fait que ces postes m’ont été proposés.

Durant la période de fermeture, il m’est proposé de participer à la visite du site de la Roche-sur-Yon en tant qu’accompagnateur des personnes souhaitant être mutées sur ce site. En visitant, on m’indique que ce serait avec plaisir qu’on m’accueillerait. Un site plein d’avenir, comme me l’a explicitement vendu Monsieur Benoît HEUBERT, alors directeur industriel de la ligne poids lourds Europe, tout en me remerciant et en me félicitant, lors d’une visite des ilots. C’était à peine 3 mois avant ma mutation sur le site de la Roche, en août 2017, et donc 9 mois avant la pause des investissements.

Bis répétita, même mode opératoire qu’à la Combaude, ça sentait le PSE à plein nez dès cette pause des investissements annoncée : arrêt de certaines lignes, industrialisation sur les autres sites mais surtout, pression mise sur les managers pour déclarer le moindre retard ou temps de pause dépassé, etc…d’un salarié et sortir les sanctions, souvent allant jusqu’au licenciement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La pression mise sur les salariés était telle qu’on a vu de nombreuses personnes partir d’elles-mêmes, certaines étant pourtant présentes depuis de nombreuses années. Le but de cette pression semblant évident : faire en sorte que le PSE à venir coûte le moins cher possible.

J’allais oublier. Comme à la Combaude, les RI sont pour beaucoup passés cadres entre l’annonce de la pause des investissements et l’annonce de la fermeture du site. S’agit-il d’une simple coïncidence ou d’une méthode pour les fidéliser et les motiver à appliquer encore mieux les orientations de sanctions prises par la direction ? Je vous laisse juges. Je fais d’ailleurs partie des personnes passées cadres. C’était en juin 2018. Inutile de vous dire que de juin 2018 à octobre 2019, date d’annonce du PSE, je ne savais pas si c’était au mérite ou dans un but de profits. Maintenant je sais.

Peu de temps avant l’annonce de la pause des investissements, le licenciement d’un collègue RI, complètement injustifié à mon sens, et l’histoire me donne raison, m’a fait me rapprocher de la CFE CGC, car je tenais à m’assurer qu’il aurait le soutien nécessaire pour faire face à cette épreuve si difficile qu’il ne méritait pas. Je savais que je prenais un gros risque mais ma carrière n’aurait plus aucun sens si elle ne me permettait pas d’être fidèle à mes valeurs, valeurs que j’ai pu connaître chez Michelin à mes débuts mais qui se sont éteintes au fil des années par le biais de nouvelles directions décidées en plus haut lieu.

J’en profite pour remercier la CFE CGC car mon engagement m’a permis de côtoyer des gens de valeur, respectueux, et m’a donné l’occasion de légitimement continuer à faire vivre les miennes sur le terrain.

Comme je le disais précédemment, je savais que cet engagement représenterait un risque pour ma carrière.

J’en viens donc aux propositions de postes. Je l’ai toujours rappelé, je n’ai pas eu besoin de postuler sur le site de la Roche sur Yon mais on m’a clairement invité à le rejoindre. J’ai donc émis le souhait d’éventuellement faire le chemin inverse et revenir sur Clermont, si possible à Ladoux, car après 2 PSE en 3 ans, je pense qu’il était normal de souhaiter un poste sur un site qui ne fermerait pas 3 ans plus tard. Mon épouse a quitté son emploi, sa famille et ses amis pour me suivre. Mes enfants ont quitté leurs amis, leur école, leurs repères, si importants à leur âge. Mais nous nous sentions tellement redevables envers Michelin.

Malgré mon engagement syndical, j’avais espoir qu’un poste à Clermont me soit proposé. Cela aurait certainement alimenté une longue conversation au sein de ma famille, afin de prendre la meilleure décision pour nous, mais j’espérais que Michelin ne tenait aucune rigueur de mon engagement syndical. Au vu de mon parcours semble-t-il irréprochable, mes différentes promotions et appréciations de mes managers, cela semblait être une option envisageable. Il n’en a rien été. Lors des premières propositions, ce sont 2 postes à Bassens qui m’ont été proposés. Je n’ai pas pris la peine de répondre car le message était clair, Michelin ne voulait plus de moi. Pourquoi ? Je vous laisse une nouvelle fois seuls juges.

Puis sont venus le refus de nous licencier par l’inspection du travail, puis par 2 fois par le ministère du travail. Une procédure a donc été initiée par Michelin auprès du tribunal administratif. Malgré tout, Michelin a souhaité lancer une procédure parallèle visiblement encore jamais vue en nous proposant des nouveaux postes, car le ministère du travail aurait sous-entendu que cette option était possible. Michelin a donc décidé de nous enfoncer un peu plus en nous proposant plusieurs nouveaux postes.

Alors oui, un des postes qui m’a été proposé semblait correspondre à ce qui nous aurait, ma famille et moi, fait réfléchir si cette proposition avait été faite au début de la procédure. Mais J’étais un manager engagé dans un syndicat et j’étais clairement le loup dans la bergerie. Si tel n’avait pas été le cas, ce type de poste, qui semblait correspondre à mes souhaits, m’aurait été proposé en début de procédure.

Aujourd’hui, je n’ai plus confiance. Si j’avais accepté un poste lors des 2èmes propositions, alors que Michelin le fait le couteau sous la gorge, il ne m’aurait plus été possible de prendre sereinement mon poste le matin sans me dire que l’entreprise attend une simple petite erreur de ma part, et qui n’en fait jamais, pour me la faire payer. Vous comprendrez donc que je ne pouvais pas accepter un poste dans cette situation et que je trouve cette 2ème procédure complètement déplacée et malhonnête.

Aujourd’hui, je me sens trahi et je ne comprends pas, je me sens harcelé. Je ne peux évidemment qu’être contre mon licenciement.

Merci de m’avoir écouté.

Une réponse à “#noussommesLaRoche/Yon”

  1. FL63 dit :

    Merci d’avoir partagé ce témoignage poignant. Quand je le mets en perspective avec la communication « we have à dream », je me dis que le rêve accessible serait que ce genre de situation n’arrive plus jamais. De tout cœur avec les salariés concernés.

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